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Est-ce
ainsi que les hommes vivent (Visions de futurs sombres)
Exténuée
par de longues heures de marche, la horde cherche un abri dans les ténèbres
naissantes de cette après-midi. Chacun de ses membres ploie sous la masse de cette
soupe molle et brunâtre qu’il porte dans ses sacs fragiles faits de plastique
trop souvent recyclé. Ceux qui en ont encore la force salivent en pensant à cette
pitance pesante, mais bienvenue qu’ils vont dévorer sous peu. En milieu de
matinée la chance leur a souri. Quand un de leurs marcheurs-veilleurs leur a
rapporté avoir vu surgir du néant un vaisseau-ville, ils ont su qu’ils
mangeraient à leur faim ce soir. Sans hésiter, leur maitre-chasseur les a entrainés
vers le cœur des terres périlleuses de la Plaine noire. Ils l’ont suivi
confiants. Peu importe les crotales-tigres et autres vermines mutantes qui l’infectent.
Tant pis pour leurs pieds tranchés par les cristaux obscurs. Ils l’ont suivi, car
le don de leur maitre-chasseur dépasse sans mal celui de bien des représentants
de sa caste. Une chance pour la horde, elle mange plus souvent à sa faim que
bien des troupes qui errent dans ces landes hostiles. Derrière lui, ils ont marché
à l’ombre de l’imposant vaisseau-ville. Comme tous ceux qu’ils avaient croisés par
le passé, le mastodonte dérivait sans logique apparente à quelques dizaines de
mètres d’altitude. Quand des bouches nourricières se sont ouvertes sous la
coque à plusieurs centaines de mètres sur leur droite, le flair de leur maitre-chasseur
a réagi dans l’instant. Il a rectifié la course de la horde pour qu’ils
puissent bénéficier du meilleur de ce flot bénit. « Premier arrivé,
premier servi » se sont-ils mis à psalmodier en commençant sans tarder à
ramasser les excréments de la population du vaisseau-ville. Dans quelques
minutes, une heure au pire, ils pourront se régaler de leur si odorante
récolte.
Ainsi
survivra l’humanité, si les Ysthophraingiens n’y mettent fin.
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