vendredi 22 mars 2019

J - 155 The Deer Hunter


J - 155

The Deer Hunter

Son regard acéré parcourt l’espace autour de lui. La trentaine, il est grand, mince, musclé. Pendant qu’il se déplace, sa tête pivote pour couvrir chaque recoin du lieu. Son visage reste de marbre, presque sans expression. Crâne rasé, un teeshirt simple, un short long et des chaussures de sport sans fantaisie, sur lui rien n’attire le regard.

Il choisit son poste avec soin. Un endroit peu exposé d’où il peut garder un œil sur les arrivées, jauger tranquillement les proies potentielles et repérer ses éventuels concurrents. Ce dernier aspect révèle parfois une de ses faiblesses. Son orgueil, qui le trahit en laissant échapper un sourire rapide. Ce sourire par trop prétentieux qu’il ne peut maitriser quand il estime qu’un des tireurs a des ambitions démesurées. Lui se pense dans le haut du panier, « et toi, gars, tu n’y as pas ta place », peut-on lire fugitivement aux coins de ses lèvres.

 
Il s’active tout en patience. Jamais l’ombre d’une once de précipitation. Il travaille quelques séries de mouvements sans vraiment forcer, juste histoire de donner le change. Ses réels entrainements, ils les mènent ailleurs, dans des lieux où il retrouve ses vrais compagnons aux exigences sportives extrêmes. Ici, il vient capitaliser sur cet investissement tout en sueur et en douleur qu’il développe auprès d’eux. Après l’effort, le réconfort.

Cette fois encore, le chasseur veut clouer sur son mur un nouveau trophée. Une jeune biche au summum de sa provocante candeur. Ou bien une biche à la douceur maternelle non altérée. Ou pourquoi pas une biche affirmée au pelage toujours fort sophistiqué. Peu lui importe qu’elle soit biche cardio, biche muscu, biche fitness… elle succombera à ses muscles puissants et à son air mystérieux. Aucune ne lui résiste. Elle sera biche d’une après-midi ou d’un soir. Une biche à qui, de retour à la salle, il accordera un sourire, quelques mots peut-être, mais qui bien vite disparaitra de sa conscience, absorbée par la couleur des murs et éclipsée par la lumière des nouvelles arrivantes.

Notre homme a bien intégré que pour le safari sexuel, les salles de sport à 19,99 euros par mois offrent un meilleur rendement économique que les boites de nuit et, cerise sur le gâteau, évitent la déconvenue de ces affligeantes découvertes au réveil le matin.

« Invitez vos amis à venir vous dépenser avec vous ! » martèle le jingle entre deux morceaux d’une musique aux sonorités chaudes et aux pulsations obsédantes.

(Portraits volés de la fin du monde)

2 commentaires:

  1. Nouveaux terrains de chasse... Mais Que dire des cougares à l'affût...

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    1. Bien y a une autre expression, mais ma mère m'a inderdit de la dire :)

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