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Vous
n’oseriez quand même pas ?
« La
lumière violette qui baigne le lieu vacille un instant. Les dizaines d’écrans
qui montrent le vide sidéral vibrent à peine. Très vite les étoiles reprennent
leur place.
- Deux
turbojets foncent dans notre direction, capitaine !
Serait-ce
la fin, se demande l’homme en chassant un cheveu blanc sur son épaulette dorée.
La croix de l’ordre du Centaure et celle de Jupiter brillent sur son uniforme
impeccable. Debout, le dos droit et la nuque bloquée, l’officier se découpe
telle une ombre terrible sur la passerelle de l’immense statocroiseur de la
flotte jaune. Il pourrait utiliser les contremesures. À cette distance, ce
serait largement suffisant. En a-t-il encore envie ?
- Turbojets
à 2 minutes, capitaine ! hurle la voix métallique de l’ordinateur de bord.
Il
garde la frontière de la république Bicéphale dont les maitres règnent sans
partage sur la ceinture extérieure et ses mines-prisons aux millions d’esclaves.
Son bâtiment est en mesure de repousser tous les assauts de ces moucherons de l’empire
Centre-Cœur. Moucheron, d’où vient ce terme, s’interroge-t-il pendant une
microseconde.
La
république Bicéphale existe-t-elle encore ? Depuis plusieurs cycles, il n’a
plus reçu aucune information via le réseau subatomique. Il a d’abord pensé à
une panne. Chez lui ? Non, l’alpha-contrôle du vaisseau a confirmé que
tout est ok. Sur un des relais subspatiaux ? Non plus, le ping est
correct. Alors ? Avec le temps qui passe, une vérité s’impose, terrifiante.
Le grand quartier général interstellaire, nexus du réseau, n’existe plus. La planète
mère de la république a dû être anéantie par une attaque perfide des Centraliens.
Dans
ce cas, ses ordres sont clairs : foncer au cœur de l’empire pour détruire
la Terre et tous les cancrelats qui la peuplent encore. Cancrelats, qu’est-ce
donc, nouvelle question fugitive. La fameuse dissuasion, celle qui devait
sauvegarder l’équilibre du système.
- Turbojets
à une minute, capitaine ! couine la voix imitant presque la peur que cette
machine ne peut éprouver.
Il
est seul à bord. Est-il le dernier maitre bicéphalien ? Peut-être reste-t-il
des statocroiseurs dans l’espace ? Depuis des décennies qu’il pilote ce gigantesque
engin spatial, il n’a jamais su s’il y en avait d’autres. La dissuasion à
nouveau ! Ne pas penser qu’un autre puisse l’assurer à sa place, tout en
se disant qu’on ne sera pas forcément le coupable de l’anéantissement si d’autres
agissent en même temps.
Sa
main glisse sur le tableau de commande et ouvre la trappe libérant l’interrupteur
des contremesures. Ce détail réglé, il activera la procédure Armaguédon. Automatiquement,
le vaisseau prendra la direction de son ultime cible. Durant ce voyage d’apocalypse,
il se perdra une nouvelle fois dans le Requiem de Mozart. Jamais musique n’aura
été aussi adaptée à la mission de cet outil de suprême vengeance. Le bâtiment
interstellaire devrait atteindre sa destination au milieu des chants puissants du
“Agnus Dei”. Dommage, il aurait aimé écouter ces chants divins jusqu’à leur fin.
- Impact
dans 20 secondes ! murmure l’ordinateur.
Non,
il ne sera pas le fossoyeur de la race humaine, se jure-t-il en refermant la
trappe sans actionner les contremesures. Durant toutes ses années de vie en ermite,
à bord du vaisseau, il a pris conscience de la beauté de l’humanité. S’il est prêt
à mourir pour protéger les siens, il n’est pas prêt à commettre une telle abomination.
Une série
d’explosions résonne le long de la coque du navire. Les contremesures ! L’alpha-contrôle
les a déclenchées de sa propre initiative. L’ensemble des écrans s’éteignent à
l’exception du plus grand d’entre eux. Il affiche “ARMAGUEDON”. Un sifflement
envahit la passerelle. Je n’aurai même pas droit au bonheur du Requiem, pense l’homme
à l’uniforme impeccable alors que la dépressurisation du vaisseau commandée par
l’ordinateur l’entraine vers le vide sidéral.
- La
République prime tout, gronde la voix métallique.
Le
statocroiseur allume ses sept puissants moteurs et dans un éclair de lumière prend
la direction de la Terre. »
- Eh
voilà ! Ça se end comme ça. Non mais sérieux, mecs ! How ils ont osé publier
cette archibouse ? Déjà la science-fiction c’était over black, mais fuck là,
c’est def kill ! éructe un jeune blogueur boutonneux au centre de l’écran tenant
dans ses mains le premier bouquin d’un nouvel auteur.
Six-millions
de vues YouTube malheureusement ça vous expédie ad patres bien plus aisément qu’une
biture, coincé entre Gainsbar et Bukowski sur Antenne 2 à la grande époque
d’Apostrophe et de Bernard Pivot.
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