mercredi 23 août 2017

"Vert anglais" 4/4, une nouvelle de SASSA




Un craquement bruyant accompagne la disparition du parebrise et de mon appui-tête. Le propriétaire ignorera toujours que des balles les avaient meurtris auparavant. Toutefois je doute que cela le console.

Gramokov quitte le chantier par une porte, ouverte cette fois. À nouveau, les gardes nous regardent passer l’air sidéré, à croire qu’ils n’ont jamais vu une Rolls ayant subi un relooking extrême.

De retour sur le bitume, notre Rolls, quoiqu’allégée, assure l’essentiel, elle nous maintient dans les basques de l’ex-membre du KGB.

— J’ai compris où se dirige notre homme, lancè-je à Duncan les cheveux au vent. Il faut le rattraper au plus vite.

— Je fais ce que je peux, mais je suis sidéré que cet engin roule toujours. Nous n’y arriverons pas comme ça. Je vais essayer un truc.

Il appuie sur un bouton et j’entends une série de déclics derrière nous. La capote sort de sa protection et se déploie comme une aile face au vent nous ralentissant d’un coup.

— Duncan ! C’est quoi ce truc ?


mercredi 16 août 2017

"Vert anglais" 3/4, une nouvelle de SASSA



Nous l’évitons à l’ultime seconde par la droite pendant que la police décide de prendre à gauche. Je crains qu’ils regrettent ce choix à l’issue de leur dépassement.

Usant de toute la puissance du freinage de notre carrosse, nous abandonnons une grande partie de la gomme de nos quatre pneus sur le goudron. Si dans cette somptueuse décapotable, les chevaux se montrent élégamment discrets, les disques sont diablement efficaces et nous projettent contre nos ceintures. Au dernier instant, relâchant le tout, Duncan joue du frein à main pour nous placer perpendiculairement à la route. À l’ultime seconde, écrasant l’accélérateur, il nous envoie du bon côté du rail. Enfin pas exactement, car un engin de deux tonnes ne réagit pas comme une Lamborghini de sept-cents kilos. Alors seul le sacrifice du parechoc arrière nous sauve et nous remet dans la trajectoire souhaitée. Le prince à qui nous avons emprunté la Rolls ne va pas être content — franchement pas content.

mercredi 9 août 2017

"Vert anglais" 2/4, une nouvelle de SASSA




Les deux véhicules étaient postés à la hauteur du premier carrefour en sortant de la digue. Ils nous ont pris en chasse dès que nous avons tourné à droite derrière notre ami russe. Que peuvent-ils tenter sur cet ahurissant boulevard à deux fois cinq voies ? Même dans une circulation aussi calme, une attaque en pleine ville tiendrait de l’inconscience. La police émiratie ne pardonne pas. 


— Ralentis un peu jusqu’à ce que l’un d’eux vienne à ma hauteur, Duncan.


Question ralentir, mon Lowlander ne fait pas dans la finesse et écrase d’un coup la pédale de frein. Le premier Range dans un écart sur la gauche nous évite de justesse, pendant que le deuxième se place où je l’espérais.


mercredi 2 août 2017

"Vert anglais" 1/4, une nouvelle de SASSA



L’ordre est venu de tout en haut. Autorisation de tuer à l’appui.

Éliminez Gramokov et récupérez les documents !


Deux des gardes du corps de l’ancien chef de section du KGB gisent déjà dans un recoin sombre du bâtiment. Divergence musclée de points de vue avec nous. Elle a plombé l’échange que l’ex-général soviétique envisageait. Son rendez-vous avec le conseiller de l’émir est remis à une date ultérieure. Le cousin du Roi n’aura pas la liste. Notre ami russe a pris la tangente et nous l’avons perdu de vue dans les méandres de ce labyrinthe.


L’idée de Gramokov n’était pas si mauvaise. Se servir de l’agitation causée par la visite de l’émir sur le chantier de son projet pour l’an 2000, pour remettre les documents. Cela lui assurait à la fois une certaine discrétion et une bonne sécurité. L’ensemble du personnel des lieux était en ébullition. Ouvriers, ingénieurs, invités, officiels, militaires… personne ne connaissait ses voisins. Des gardes trainaient de partout, l’œil aux aguets soupçonnant tout un chacun et la nécessité d’emprunter la digue reliant l’ile artificielle à la côte interdisait d’approcher sans autorisation d’accès.