lundi 25 mars 2019

J - 152 Les rats (Visions de futurs sombres)


J - 152
 
Les rats (Visions de futurs sombres)

Un morceau de protéïbarre est tombé d’une poche au milieu de la coursive. Ces quelques centimètres représentent la ration d’au moins quatre unitéjours, sept en l’économisant. Qui peut avoir commis une telle négligence ? Un techstructure probablement, ou un astroguide. Eux seuls sont assez bien traités à bord pour avoir un tel mépris pour la nourriture. Il parait qu’avant sur Terre, on ne mangeait pas quelque chose qui était tombée sur le sol. La religion des microbes ! Ne pas retirer une offrande à ces dieux pervers sauf à subir leur douloureux anathème.

Ici il y a bien longtemps qu’il n’y a plus de dieux. Enfin, ce genre de dieux. Parce que des svok à illuminés, il en reste encore. Mais plus personne ne fait d’offrandes. Dans cet amas de bétontôles qui dérive sans fin dans les espaces intersidéraux, la compassion n’existe plus. La surpopulation est permanente. Ceux qui ne sont pas utiles sont reclus dans les parties noires du vaisseau. Une mesure de clémence, prétendent ceux d’en haut. Au départ ils étaient simplement recyclés, parait-il. Ensuite, libre aux rats de survivre comme ils peuvent.

 
J’ai suivi cette échelle jusqu’à ce panneau pour retrouver un peu de lumière. Je ne suis pas comme les rats, pas encore. Il n’y a pas si longtemps je vivais toujours sous les fluosphères. Puis, un pied écrasé dans un de leurs foutus photobroyeurs. La sentence immédiate, le noir. Je n’ai que 25 unitéans. Ce matin, mais était-ce vraiment le matin, je ne supportais plus de ne rien voir. Le moindre bruit saturait mes oreilles et les bruits en bas il n’y a que ça. Alors je suis monté.

Pénétrer dans cette coursive est dangereux, je le sais. Mais la lumière et la faim perturbent mes faibles neurones et altèrent mes inhibitions. Une telle chance ne se produit pas deux fois, j’y vais, je dois récupérer ces quelques grammes de vie là sur le sol juste devant moi. Le panneau coulisse, je bondis, le noir de nouveau.

- Putain, Kevin, ça a l’air d’une jeune rate ça ? J’ai été payé pour ramener un jouet à ces messieurs d’en haut. Toi je sais pas, mais moi j’irai pas voir si leurs perversions vont jusqu’à se taper du rat. Allez gerbe-moi ça dans le premier bioflash. Et remets le piège en place.

Ainsi survivra l’humanité, si les Ysthophraingiens n’y mettent fin.

   

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