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Migration
Le
procurateur Caius Lucius Vavernius soulève le rideau épais de sa litière. L’aigle
de la légion qui l’escorte brille devant lui. La pluie le nettoie sans fin.
Depuis plusieurs jours, aucun soleil ne lui a fait cracher ses éclairs. Une forêt
sauvage emprisonne la troupe en marche. La Germanie n’a jamais été le pays
préféré du vieux patricien, surtout pour y mourir. Sa mission est sans
espoir, il le sait. La politique de Rome sur le sujet est bâtie sur une
illusion. Depuis des mois, il verse des monceaux d’or aux tribus vivant dans
les Marches pour exterminer ces désespérés qui prennent tous les risques pour rejoindre
leur terre d’espoir, les riches provinces de l’empire. Des hommes et des femmes
prêts à affronter la mort et pire encore auprès des passeurs et des marchands d’esclaves.
Seuls les meilleurs parviennent à franchir cette sélection « naturelle ».
Ceux-là Rome devrait les accueillir à bras ouverts, mais l’empire a atteint un
tel niveau de décadence qu’il en a même perdu son cynisme. Rome préfère laisser pourrir cet inestimable sang neuf dans une précarité haineuse. Entourés des cuirasses dorées et
des manteaux pourpres de ces soldats qui font la pluie et le beau temps dans le
palais impérial, nos édiles craintifs ont oublié la faiblesse de nos légions
provinciales. Demain quand la tempête viendra de l’Est, et elle viendra, ce ne
sont ni celles-ci ni la Garde Prétorienne qui sauveront l’empire.
Dans
un soupir, le procurateur Caius Lucius Vavernius, Ysthophraigiens du 4ème
cercle, laisse retomber le rideau sur la forêt et sur l’avenir de l’Empire
romain.
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