jeudi 31 janvier 2019

J - 204 Salvador


J - 204

Salvador

Il pleut sur Santiago. Depuis l’aube, la radio passe ce message en boucle. Pourtant aujourd’hui le temps est clair sur la ville. On distingue même les sommets de la Cordillère à travers le brouillard jaune de la pollution. D’ailleurs, un peu de flotte nous ferais le plus grand bien. Elle briserait ce carcan brumeux qui, été comme hiver, étouffe la capitale.

Ma tête est lourde. Le pisco d’hier soir a du mal à se dissiper, à moins que ce ne soit ce coka cola capitaliste qui l’a rendu toxique. On a manqué aussi d’empanadas pour l’accompagner, ce satané blocage des chauffeurs poids-lourds. Aujourd’hui le président doit annoncer de nouvelles élections. Nous allons enfin trouver une issue à cette crise. Cette radio m’énerve. Que passent les autres stations ? Je dois me dépêcher, il est déjà 9 heures passées. La fac ne m’attendra pas ! Oh, n’est-ce pas sa voix là ? Radio Magallanes. Que dit-il ? 

 
« Éstas son mis últimas palabras, teniendo la certeza de que el sacrificio no será en vano. Tengo la certeza de que, por lo menos, habrá una sanción moral que castigará la felonía, la cobardía y la traición ».

La pluie viendra bien assez tôt, ce jour. Une pluie de trahisons. Une pluie de bombes. Une pluie de larmes et de sang. Et avec elle un carcan bien plus opaque que celui de la pollution s’abattra sur le pays, celui de la terreur inspirée par la junte des généraux.

11 septembre 1973, il pleut sur Santiago du Chili et cette pluie emporte avec elle un rêve, celui d’un socialisme à visage humain insoumis à la puissance étasunienne et indépendant de Moscou.

Traduction des mots du Président Salvador Allende (1908 - 1973) : « Ce sont mes dernières paroles, ayant la certitude que le sacrifice ne sera pas inutile. Et que pour le moins il aura pour sanction morale : la punition de la félonie, de la lâcheté et de la trahison. »
 

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