J - 204
Salvador
Il pleut sur
Santiago. Depuis l’aube, la radio passe ce message en boucle. Pourtant aujourd’hui
le temps est clair sur la ville. On distingue même les sommets de la Cordillère
à travers le brouillard jaune de la pollution. D’ailleurs, un peu de flotte nous
ferais le plus grand bien. Elle briserait ce carcan brumeux qui, été comme
hiver, étouffe la capitale.
Ma tête est
lourde. Le pisco d’hier soir a du mal à se dissiper, à moins que ce ne soit ce
coka cola capitaliste qui l’a rendu toxique. On a manqué aussi d’empanadas pour
l’accompagner, ce satané blocage des chauffeurs poids-lourds. Aujourd’hui le président
doit annoncer de nouvelles élections. Nous allons enfin trouver une issue à
cette crise. Cette radio m’énerve. Que passent les autres stations ? Je
dois me dépêcher, il est déjà 9 heures passées. La fac ne m’attendra pas !
Oh, n’est-ce pas sa voix là ? Radio Magallanes. Que dit-il ?
« Éstas
son mis últimas palabras, teniendo la certeza de que el sacrificio no será en
vano. Tengo la certeza de que, por lo menos, habrá una sanción moral que
castigará la felonía, la cobardía y la traición ».
La pluie viendra
bien assez tôt, ce jour. Une pluie de trahisons. Une pluie de bombes. Une pluie
de larmes et de sang. Et avec elle un carcan bien plus opaque que celui de la
pollution s’abattra sur le pays, celui de la terreur inspirée par la junte des
généraux.
11 septembre
1973, il pleut sur Santiago du Chili et cette pluie emporte avec elle un rêve,
celui d’un socialisme à visage humain insoumis à la puissance étasunienne et
indépendant de Moscou.
Traduction
des mots du Président Salvador Allende (1908 - 1973) : « Ce sont mes
dernières paroles, ayant la certitude que le sacrifice ne sera pas inutile. Et
que pour le moins il aura pour sanction morale : la punition de la
félonie, de la lâcheté et de la trahison. »
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