mercredi 26 avril 2017

"Le sable pourpre", une nouvelle de SASSA



Pour donner la mort, on doit l’accepter. Pas seulement la sienne, mais aussi celle de ses proches. Peut-être, surtout celle de ses proches. Nul ne sait comment il va réagir. Je ne suis guère différent des autres sur ce point.

Ce soir d’été, je cours sur la plage. L’effort fait oublier bien des choses et les journées des SAS en Irlande ne sont pas tendres, sans parler de nos nuits. 

Au détour d’un rocher, elle surgit à une dizaine de mètres devant moi. Elle aussi parcourt le sable léché par les vagues. Ses longues foulées l’amènent vers moi. Ses cheveux rouge feu volent dans le vent. Son visage tout de taches de rousseur et de gouttes de sueur m’éblouit. Son regard vert plante un dard brulant dans mon cœur.

Aucun de nous ne s’arrête. Nous nous éloignons, elle restera une image fugitive, sans doute la plus belle que je ramènerai de cette terre démente. 




Soudain, un cri s’élève derrière moi. Elle se tient la cheville. Une chance, a pensé le jeune inconscient que j’étais encore. À l’époque, je ne croyais pas au malheur. 

Je la raccompagne chez elle en la soutenant de mon épaule. Officier et gentleman, je prends juste un café. Je repars le cœur léger.

Les jours suivants, je cours plein d’espoir, mais je ne la rencontre plus. Sans doute sa cheville est-elle toujours douloureuse. Le gentleman n’ose pas aller chez elle, quand le jeune homme en meurt d’envie. 

Le temps passe, la violence redouble. Nos opérations nocturnes se succèdent et peu à peu son image s’estompe.

Ce matin-là, quand elle émerge de la brume, mon cœur me dit qu’il n’a rien oublié. 

Elle se dirige souriante vers moi. Je sens le rouge monter à mes joues. Mes jambes deviennent moins sures d’elles. Aurai-je le courage ? Arrivée à un mètre, c’est elle qui s’arrête. Aucun de nous deux ne parle. J’ai peur de briser le charme. Elle se décide.

Des mots doux qui envahissent mon être. Une promenade qui dérive jusqu’aux falaises et leurs grottes. Des yeux qui petit à petit s’enflamment. Un premier baiser qui embrase nos corps. Des mains qui frôlent puis qui s’enhardissent. Des râles qui se répercutent sur les parois de calcaire. Enfin une jouissance qui nous surprend et nous terrasse sur le sable. Elle ramasse ses vêtements et m’envoyant un dernier baiser, repart en riant. 

Le lendemain, je me précipite dès l’aube naissante. Quand nous nous apercevons, nos sourires montrent combien chacun de nous sait déjà. Elle arrive près de moi, s’arrête essoufflée. Sa bouche s’ouvre et... un filet de sang s’en écoule. Les yeux vitreux, elle s’affale dans mes bras. 

Un bruit de tonnerre vient de déferler sur la mer immense. Quand le second coup de feu claque, je sens la secousse. Elle a une nouvelle fois été frappée dans le dos. J’entends des cris provenant de la route. Des ombres se précipitent vers une voiture et le brouillard les engloutit.

Ma belle inconnue succombe tout contre moi. Ces balles m’étaient destinées, probablement. Sans le vouloir ni le savoir, elle m’a offert sa vie.

Ce tireur incompétent vient de détruire le jeune homme qui subsistait quelque part au fond de moi. 

Un tourbillon sans âme m’envahit. Il va m’animer de sa haine froide pendant de nombreuses années. 


A suivre... mercredi prochain
 
Si cette nouvelle vous a plu, n'hésitez pas à retrouver mon univers dans "Bons Baisers de Dubaï", 300 pages de suspense : De nos jours, la course folle de deux agents de Sa Majesté pour éviter un conflit majeur. Action, dépaysement et humour garantis. 


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