Pour donner la mort, on
doit l’accepter. Pas seulement la sienne, mais aussi celle de ses proches. Peut-être,
surtout celle de ses proches. Nul ne sait comment il va réagir. Je ne suis
guère différent des autres sur ce point.
Ce soir d’été, je cours
sur la plage. L’effort fait oublier bien des choses et les journées des SAS en
Irlande ne sont pas tendres, sans parler de nos nuits.
Au détour d’un rocher,
elle surgit à une dizaine de mètres devant moi. Elle aussi parcourt le sable
léché par les vagues. Ses longues foulées l’amènent vers moi. Ses cheveux rouge
feu volent dans le vent. Son visage tout
de taches de rousseur et de gouttes de sueur m’éblouit. Son regard vert plante un dard
brulant dans mon cœur.
Aucun de nous ne
s’arrête. Nous nous éloignons, elle restera une image fugitive, sans doute la
plus belle que je ramènerai de cette terre démente.
Soudain, un cri s’élève
derrière moi. Elle se tient la cheville. Une chance, a pensé le jeune
inconscient que j’étais encore. À l’époque, je ne croyais pas au malheur.
Je la raccompagne chez
elle en la soutenant de mon épaule. Officier et gentleman, je prends juste un
café. Je repars le cœur léger.
Les jours suivants, je
cours plein d’espoir, mais je ne la rencontre plus. Sans doute sa cheville
est-elle toujours douloureuse. Le gentleman n’ose pas aller chez elle, quand le
jeune homme en meurt d’envie.
Le temps passe, la
violence redouble. Nos opérations nocturnes se succèdent
et peu à peu son image s’estompe.
Ce matin-là, quand elle
émerge de la brume, mon cœur me dit qu’il n’a rien oublié.
Elle se dirige souriante
vers moi. Je sens le rouge monter à mes joues. Mes jambes deviennent moins
sures d’elles. Aurai-je le courage ? Arrivée à un mètre, c’est elle qui
s’arrête. Aucun de nous deux ne parle. J’ai peur de briser le charme. Elle se
décide.
Des mots doux qui
envahissent mon être. Une promenade qui dérive jusqu’aux falaises et leurs
grottes. Des yeux qui petit à petit s’enflamment. Un premier baiser qui embrase
nos corps. Des mains qui frôlent puis qui s’enhardissent. Des râles qui se
répercutent sur les parois de calcaire. Enfin une jouissance qui nous surprend
et nous terrasse sur le sable. Elle ramasse ses vêtements et m’envoyant un
dernier baiser, repart en riant.
Le lendemain, je me
précipite dès l’aube naissante. Quand nous nous apercevons, nos sourires
montrent combien chacun de nous sait déjà. Elle arrive près de moi, s’arrête
essoufflée. Sa bouche s’ouvre et... un filet de sang s’en écoule. Les yeux
vitreux, elle s’affale dans mes bras.
Un bruit de tonnerre
vient de déferler sur la mer immense. Quand le second coup de feu claque, je
sens la secousse. Elle a une nouvelle fois été frappée dans le dos. J’entends
des cris provenant de la route. Des ombres se précipitent vers une voiture et
le brouillard les engloutit.
Ma belle inconnue
succombe tout contre moi. Ces balles m’étaient destinées, probablement. Sans le
vouloir ni le savoir, elle m’a offert sa vie.
Ce tireur incompétent
vient de détruire le jeune homme qui subsistait quelque part au fond de moi.
Un tourbillon sans âme
m’envahit. Il va m’animer de sa haine froide pendant de nombreuses années.
A suivre... mercredi prochain
Si cette nouvelle vous a plu, n'hésitez pas à retrouver mon univers dans "Bons Baisers de Dubaï",
300 pages de suspense : De nos jours, la course folle de deux agents de
Sa Majesté pour éviter un conflit majeur. Action, dépaysement et humour
garantis.
Joli!
RépondreSupprimerMerci !
SupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerPas mal.... et ces etres feminins qui rendent leur ame dans les bras de tes heros... Une obsession! J'attends la suite....
RépondreSupprimerC'est vrai qu'ils ont un petit côté tombeur !
SupprimerAh, le retour des émotions.... + 5
RépondreSupprimerMerci :-)
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