23 h 30, le
garde de l’entrée ouest vient de s’effondrer sur son bureau.
Je dispose de trente
minutes avant que la prochaine ronde de surveillance ne le découvre bavant, l’air
béat, la joue écrasée contre le sous-main.
Aucun risque de voir un
patient ou un soignant survenir à l’improviste, cette aile de l’hôpital est
réservée aux locaux administratifs. Officiellement, car en réalité elle abrite
l’unité de recherche du « bon docteur », un homme bien connu pour ses
liens avec les services secrets de l’Union soviétique. Un soutien fort utile
qui lui a permis de faire disparaitre son dossier des archives de la Stasi lors
de la chute du mur.
Hier soir, au moment de venir
à bout d’une place rétive, j’ai été convoqué en urgence par le responsable du
contrespionnage. Stoppé dans mon élan et abandonnant ma future conquête à sa
déception, j’ai rejoint Edwin Finley, une des personnes les plus mystérieuses
que j’ai rencontrée au cours de mes années au MI6.
— Un de nos hommes a
vu le général Gramokov pénétrer dans cet hôpital du nord de Berlin. On pense
qu’il aurait confié sa fameuse liste des ex-agents de l’URSS à notre docteur.
Si c’est exact, elle doit se trouver dans le coffre-fort de ce dernier. Vous
savez quoi faire Angus, a-t-il conclu.
Les longs couloirs de l’hôpital
baignent dans une faible lueur, pareille à celle des bordels de Macao. À chaque
nouvelle intersection, telles des mères-maquerelles, des caméras de
surveillance veillent tapies dans l’ombre. Glissant la main avec précaution
dans leur intimité, je balaye d’un geste vif celle-ci en usant et abusant d’un tube
semblable à celui d’un rouge à lèvres bas de gamme, un tout nouveau mini laser,
le gadget MI6 de l’année. L’objet sature les sens de ces taulières
électroniques et neutralise pendant quelques instants leurs capacités de vision. Je m’introduis rapidement car ces matrones reprennent vite leurs
esprits.
Mis à part ça, ma pénétration
des lieux se déroule sans pression. Mon immixtion tient plus de prémisses routinières
que d’un assaut forcené. Il faudra que je sois plus sur mes gardes une fois dans
la place, car l’homme est connu pour son côté paranoïaque et ses systèmes anti-intrusions
sophistiqués.
Voici enfin l’antre de la
bête. Un trille inaudible ébranle mon cerveau. Cette alarme met un terme à ma déambulation
aux pensées érotiques. Tous mes sens sont désormais en éveil.
Je viens de remarquer que
la porte est entrouverte et qu’une faible lueur s’en échappe. Pourtant l’endroit
devrait être vide à cette heure. Tendu, je me rapproche, le dos plaqué contre
le mur. Mon automatique muni de son silencieux réchauffe agréablement les
doigts de ma main droite.
Des bruits de feuilles
que l’on dérange proviennent de l’intérieur de la pièce. Aurais-je de la
concurrence ? Depuis le seuil, je jette un rapide coup d’œil.
Une silhouette rouge
carmin se tient au milieu du bureau. Jolie silhouette au demeurant. Ses cheveux
remontés en un chignon serré dominent le triangle d’un buste court, qui lui
même est posé sur une croupe agréablement rebondie. Le coup d’œil est rapide, mais
j’ai quand même le temps de noter les deux superbes chaussures rouges à haut talon
qui terminent deux jambes gainées dans de la soie. Sa présence est une mauvaise
surprise. En d’autres lieux, je ne dis pas, mais là !
La jeune femme est en
train de classer des papiers à la lumière d’une lampe de bureau. Elle me présente
le dos. À sa droite, l’armoire forte est ouverte. Voilà qui devrait faciliter
ma tâche, d’autant qu’elle a déjà dû neutraliser les alarmes. Allons donc
envoyer la belle au bois dormant.
Délicatement, je sors ce
qu’il faut de ma poche. Pas question d’entreprendre une jolie dame si l’on ne
dispose pas du nécessaire pour conclure avec élégance. J’ai pour fierté de leur
offrir toujours ce que j’ai de meilleur. J’avance pour engager l’affaire. Crac !
Nom de nom, sur quoi ai-je mis le pied ? Trop tard pour s’en enquérir plus
avant, la jeune femme se retourne. Je note dans son regard de poupée de
porcelaine toute la stupeur qu’elle éprouve en découvrant debout derrière elle
un homme en noir portant cagoule. Elle n’a pas le temps d’en voir plus, je
viens de planter ma seringue à la base de son cou. L’aiguille a pénétré sa
jugulaire et déjà le soporifique entre en action. Ses muscles se relâchent et elle
tombe dans mes bras. Demain, à son réveil, elle ne se souviendra de rien. Ce
sera bien la première.
La secrétaire du docteur !
Mon dossier indiquait que cette Chinoise au visage d’ange travaille pour lui
depuis quelques mois. Mais que faisait-elle là ? Sur la table, les papiers
qu’elle rangeait ne contiennent que des analyses concernant des
« patients ». Vol de secrets pharmaceutiques ? Sa présence restera un
mystère, car je ne dois plus trainer. Le coffre ouvert ne renferme qu’une
dizaine de disquettes. L’heure n’étant plus aux microphotos sur le point d’un
I, ce que je cherche doit se trouver dans un de ces disques souples. Pas
vraiment le temps de faire le tri, je récupère l’ensemble.
Un dernier coup d’œil
vers le joli corps allongé, « quand la Chine s’éveillera ! »... je
serai loin. Direction l’aéroport et le premier vol pour Londres. L’opération aura
duré moins de vingt minutes.
Finley me regarde avec
des yeux furibonds.
— N’y avait-il que
cela dans le coffre ? lâche-t-il.
— Tout à fait
monsieur. À moins que la secrétaire ne l’ait eu sur elle.
— Pourquoi, vous ne
l’avez pas fouillée ? gronde-t-il.
Je ne dis rien, repensant
à ce corps alangui qu’une pudeur soudaine m’avait empêché d’explorer.
— Voici la seule
chose que contenaient ces disquettes, grogne-t-il en me tendant une liasse de
papiers.
Sur la première page, je
peux lire en gros caractères. « Mémoire d’un médecin est-allemand — Quand
l’armée rouge défilait dans Berlin — Un roman du Dr… »
— Bonne lecture
Angus, vous en avez la primeur, il ne devrait sortir qu’en fin d’année, me lance
un Finley glacial en me montrant la porte.
A
suivre... mercredi prochain
Si cette
nouvelle vous a plu, n'hésitez pas à retrouver mon univers dans "BONS BAISERS DE DUBAÏ" suivi de "BONS BAISERS DE JAKARTA" 600
pages de suspense : De nos jours, la course folle de deux agents de Sa Majesté
pour éviter un conflit majeur. Action, dépaysement et humour garantis. Existent en version électronique ou papier.
Dans la carotide ? Ben voyons... Et pourquoi pas la fémorale ?
RépondreSupprimerLa pression artérielle à cet endroit là est importante, pour irriguer le cerveau, bilan : hémorragie rapide et décès de la belle...
A li limite, la jugulaire, quoi que...
A+ Man.
Désolé, j'avais pourtant demandé à Dexter Morgan... mais bon on ne peut plus faire confiance à personne ;-)
SupprimerJ'ai vu que tu as changé, heureusement pour la belle ! Elle en serait morte, dans la carotide !
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