— Pensez-vous être celui qui arrivera à
ne pas perdre la boule, Mac Alister ? me demande pince-sans-rire l’homme.
Ces dernières semaines, malédictions et
imprécations se sont entrechoquées dans ma tête. Satanée Dame de fer, satanée
politique budgétaire et satanés de satanés de satanés comptables des
ministères. Le MI6
s’éloignait, pourtant il n’était pas question que je rejoigne mon illustre
régiment.
Mon supérieur le savait bien, lui qui tentait
par tous les moyens de ne pas me voir partir dans le civil. Sa dernière offre
ne manquait pas de sel : l’absence d’argent public m’ayant fermé la porte
des services secrets de Sa Majesté, pourquoi ne pas bénéficier des fonds
spéciaux pour entrouvrir celle d'un discret service auprès de Sa Majesté ? Sous
des dehors austères, cet officier dissimulait un humour des plus retors. Pas
forcément surprenant chez un Gallois, mais tout de même.
Financée sur la cassette de la Reine, une compagnie
de « Gardes du Corps » venait d’être créée pour assurer la sécurité
de la famille royale. Un nom qui fleurait bon son dix-septième siècle, un temps
où les cadets de la haute noblesse débutaient ainsi dans la carrière. À l’époque,
ils formaient une troupe de parades et d’ornements au service de la splendeur
des représentations officielles. Des hommes aux superbes atours, à la morgue
glacée et au regard vide. Tout le contraire de ceux de cette nouvelle unité
dont le puissant ramage associé à une totale absence de plumage les rendait
pareil aux membres du Secret
Service étasunien. Le bruyant assassinat de Lord
Mountbatten, le cousin de Sa Majesté, résonnait encore dans toutes les
mémoires.
Après avoir placé dans la mire
de mon viseur et abattu sans pitié ceux qui luttaient contre la Couronne en
Irlande, j'interposerai mon corps et servirai de cible à ces fanatiques
irlandais. Cette ironie morbide me fit accepter la proposition bien plus qu’un
quelconque gout
du sacrifice.
— Pensez-vous être celui qui arrivera à
ne pas perdre la boule, Mac Alister ? venait-il donc de me demander.
La boule, « the ball », le nom de code
de la personnalité dont j’allais devoir assurer la protection rapprochée. « The
ball », la fameuse boule blanche du feuilleton « Le prisonnier » avec
ce fou de Patrick McGoohan dans le rôle-titre.
Le Majordome, le flegmatique chef de ce nouveau
service, avait-il pressenti les capacités de celle-ci en lui attribuant ce nom
de code ? Ou était-ce cette personne qui par vengeance à chaque occasion transformait
ce peu délicat sobriquet en titre de gloire ?
Peu importe la raison initiale, dorénavant le
nom et la dame, car c’en était une, s’accordaient admirablement. Malgré une si
peu discrète robe blanche qui moulait en permanence sa renversante chute de
reins, elle avait réussi à semer les trois précédents officiers chargés de sa sécurité.
Résultat, trois mises à pied obtenues grâce à une imagination aussi perverse
que débordante associée à une ténacité sans égal. Au sein du service, en dépit
de ses formes provocantes, la superbe duchesse n’était pas considérée comme une
affaire.
— Pensez-vous être celui qui arrivera à
ne pas perdre la boule, Mac Alister ?
Les mots résonnaient dans ma tête.
— Je ne suis pas un numéro, monsieur ! Surtout
pas le 4 dans sa liste de victimes, martelè-je le visage imperturbable. Alors, permettez-moi
de ne pas démissionner avant de lui avoir montré.
Un froncement amusé plisse le coin des yeux
de mon interlocuteur.
— Bonjour chez vous, murmure-t-il en me remettant
le planning hebdomadaire de la jeune femme.
J’aurais préféré qu’il me confie les clés de
la fameuse Lotus Seven
verte au nez jaune, mais je devrai me contenter du siège avant de la Rolls-Royce
noire de Son Altesse.
Dans ces années de vaches maigres, nous devions
tous être prêts aux pires sacrifices.
A
suivre... mercredi prochain
Si cette
nouvelle vous a plu, n'hésitez pas à retrouver mon univers dans "Bons
Baisers de Dubaï", 300 pages de suspense : De nos jours, la
course folle de deux agents de Sa Majesté pour éviter un conflit majeur.
Action, dépaysement et humour garantis.
Ça démarre fort. Le seul moyen de ne pas perdre la Dame Blanche est de la suivre dans son lit...
RépondreSupprimeroh shocking !
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