Le 5 mars on respire enfin en Corse, le premier cas de contamination vient d’y être détecté.
Cette rocambolesque histoire débute quelques jours plus tôt quand notre JPP national annonce tout sourire au « 13 heures » de TF1, que la Corse et le Centre-Val de Loire sont les deux dernières régions métropolitaines à ne pas avoir de malades du COVID.
Immédiatement dans l’île, l’inquiétude gagne, on en oublie même la sieste, toutefois peu pratiquée en cette saison. Dès quatorze heures, les conversations vont bon train autour d’un café sur la place Saint-Nicolas à Bastia ou sur le cours Napoléon à Ajaccio. Comment éviter cette future déferlante COVID ?
Soixante ans après les pieds-noirs d’Algérie, ce sont des continentaux tout aussi peu clairs qui vont rechercher une terre d’accueil. Peu de chance qu’ils finissent dans le Centre-Val de Loire, s’ils possèdent un minimum de jugeote.
Les anciens songent déjà à ressortir les cagoules. Faute de masques, ce sera toujours ça. Ensuite, ils parlent d’organiser une conférence de presse dans le maquis pour faire part de leurs réticences à cette transhumance sanitaire et mettre en garde ceux qui seraient tentés de ne pas en tenir compte.
Tout le monde vous le dira, les Corses sont hospitaliers ! C’est vrai, mais faut être sérieux, leurs services hospitaliers ne le sont pas. Restez sur le continent, voilà ce qu’ils crient. Si ici, comme ailleurs, le personnel est exceptionnel, chez vous au moins vous êtes sûr que le matériel des hôpitaux fonctionne. Ici à force de jouer avec les crédits et autres subventions...
L’après-midi s’écoule et l’on n’arrive pas à trouver de solutions acceptables. Alors que Corsica Sera, le journal de 19 heures de France 3 local, passe en bruit de fond dans la salle du bar, on tourne en rond à coup de pastis. Soudain un ancien, très ancien, se redresse et pointe la télévision en s’écriant « on n’a qu’à faire sauter le relais de TF1 à Paris, pour lui clouer le bec au Pernod ! Comme quand on a fait sauter le relais de l’ORTF du Pigno », et il finit cul sec son verre de Casa assez fier de lui. Les autres se regardent et par respect lui répondent « on va y penser, mais là il va falloir que tu y ailles ». C’est l’heure de la soupe, il faut raccompagner l’ancien, sinon on n’a pas fini d’entendre Angèle, sa femme. Malgré son grand âge, elle a la canne toujours aussi leste pour bastonner ces morveux d’une cinquantaine d’années qu’ils sont devenus.
Les conciliabules continuent une bonne partie de la nuit. L’un des protagonistes propose de passer voir le patron du STC, le syndicat des travailleurs corses (eh oui, ça existe) pour mettre les bateaux en grève. Un autre a un cousin qui bosse à Air Corsica qui pourrait sûrement bloquer tous les sièges pour les réserver aux Corses uniquement, « comme tous les soirs sur le dernier avion ! » fuse, un peu cynique, l’autre bout de table. Le temps file, les paupières s’abaissent et toujours aucune solution ne pointe sur un horizon de plus en plus flou.
« Ô fra, vous n’aurez qu’à organiser un tournez-méninges sur le forum (émission phare de la matinée sur RCFM, la radio locale des France bleu région) » leur suggère le patron en leur faisant entendre l’air de rien qu’il se fait tard. Un peu du genre, il y en a qui travaillent demain, mais sans offusquer le client, le Corse est hospitalier, mais aussi susceptible.
C’est pour cette dernière raison que je ne m’étendrai pas plus sur ce psychodrame qui agite la population insulaire jusqu’à ce fameux 5 mars libérateur.
Trois jours après l’annonce du premier cas sur l’île, tous les établissements scolaires d’Ajaccio seront fermés et quelques semaines après, un porte-hélicoptères de la Marine nationale évacuera en urgence les malades COVID d’hôpitaux totalement saturés.
N.B. : Pourquoi vous rappeler cette histoire de porte-hélicoptères ? Juste au cas où de mauvaises langues associeraient ces réactions des locaux à de fausses motivations. La volonté de se protéger en évitant d’importer le virus dans l’île, par exemple. Rien à voir, le Corse est tout aussi hospitalier qu’il est prévenant envers ses visiteurs. Pour preuve, pendant de nombreuses années, hors-saison, il chassa l’humidité de résidences secondaires restées trop longtemps fermées à grand coup de courants d’air, aussi puissants que sonores. Pourtant, elles appartenaient à certains continentaux qui ne faisaient pas partie des plus sympathiques.
--------------------------
Alors qu'en avez vous pensez ? Si cela vous a plu, n'hésitez pas la suite vous attend ici
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire