Après des ablutions expédiées plus vite
qu’un Notre Père, fatigué, je me dirige vers un lit bienvenu quand un
crissement me fige.
Le gravier s’agite devant ma terrasse. Je
faisais confiance au Yotox, traditionnelle spirale colorée des nuits tropicales,
pour régler leur compte à tous les nuisibles volants et espérais que ceux sur
deux pattes auraient eu la courtoisie d’attendre le lever du soleil. Il faut
croire que je n’ai pas été entendu... contrairement à cet importun. Je vais
devoir le prier de revenir plus tard.
Les faibles luminaires de l’esplanade
découpent sa silhouette sur le rideau. À la regarder, je comprends sans peine
que ce drôle de paroissien préfère que nos échanges restent discrets, sinon
pourquoi aurait-il revêtu son automatique d’un silencieux ?
L’abri vaporeux de la moustiquaire n’arrêtera
pas les projections de ce type de goupillon. Il revient donc au polochon de
tenir le rôle de la victime expiatoire. Il en va de l’honneur de sa corporation
dont c’est une spécialité millénaire. La masse de plumes accepte sans rechigner
et se glisse sous le drap.
La baie vitrée s’efface sur quelques
centimètres. L’arme écarte le voilage. Elle grogne par trois fois. Professionnel,
l’oreiller suit son rythme.
La fumée s’élève à peine que déjà la
main commence à se retirer. Le coquin ne s’assure même pas qu’il m’a changé en
cadavre sans âme. Que voilà un sermon fort peu orthodoxe. Le prêche de mon fâcheux
manque de consistance. À moi de le maintenir en chaire.
Je saisis son poignet et le tire avec
force vers l’intérieur. La figure de l’homme s’écrase sur la vitre. Le
tintement d’une lourde cloche résonne dans la nuit bissalienne. Surpris, cet
enfant de chœur en lâche l’instrument de ses extrêmes onctions. L’arme git sur
le sol.
Maintenant, il vaudrait mieux que mon
tueur ait de la voix. Il va me dire quel sordide démon lui a inspiré cette
messe à quatre sous. Il s’effondre. Aïe, j’ai assommé cet incapable. Les
exécuteurs des basses œuvres ne tiennent plus le choc.
Je récupère la carafe posée sur la table.
Le liquide qu’elle contient chute sur la figure de mon agresseur en une vague
compacte et... je le rejoins au sol.
La
Bête
doit être plus douée qu’elle ne m’a paru de prime abord. Dans une vive rotation,
ses jambes ont fauché les miennes. L’insoumis se relève. Il tente de gagner le
parking. Sur l’esplanade une voiture, tel un phare, vient d’y allumer les siens.
Immédiatement, ma main saisit sa
cheville. Une prise imparfaite, cette satanée sueur qui m’inonde à chaque
combat. Mon adversaire tombe quand même. Il s’aplatit sur le sol… juste à côté
de la carafe. Tous les diables de la brousse s’ingénient à le défendre ce soir.
Par contre de mon côté, God save rien du tout. Dans un violent retourné, il fracasse
le broc sur moi. Mon bras s’interpose à la dernière seconde.
Nous nous relevons dans un bel ensemble.
Encore un peu sonné, j’ai du mal à repasser à l’offensive. Des étoiles
troublent ma vision. Mon assassin reste lui aussi immobile. Il me regarde dans
la lumière blanche des phares. A-t-il été frappé par une illumination divine et
se repend-il déjà de son geste ? Ou bien, est-ce l’incontestable chic londonien
de mon pyjama de soie qui l’éblouit ?
Une giclée de plomb fait voler en éclat
le crépi du mur au-dessus de nos têtes. Cela remet en marche la sienne. Près de
la voiture, un automatique crache des flammes. Le supérieur de la congrégation
rappelle violemment son sbire. Docile, l’acolyte prend ses jambes à son cou.
Depuis le parking, l’infâme père abbé me
bénit d’une nouvelle aspersion de plomb m’interdisant toute poursuite. Son
moinillon est désormais trop loin pour que je l’absolve. Son âme demeurera à
jamais entachée de ses crimes. Fâcheux car l’heure d’en finir est venue.
Je récupère le pistolet abandonné par mon
visiteur. Mon gars arrive à la voiture. La portière arrière entrouverte, la
banquette s’apprête à le recevoir. Il croit être au bout de son calvaire et
pense avoir atteint le porche d’une chapelle salvatrice. Pourtant son sort est
scellé. Je presse la détente. Le condamné s’effondre dans le véhicule, désormais
corbillard, qui démarre.
— Trop tard pour Saint Christophe,
murmurè-je dans un bâillement.
Quoi qu’on prétende, l’automobile restera
toujours un moyen de transport parmi les plus mortels.
A
suivre... dans BONS BAISERS DE BISSAU
(à paraitre mi novembre 2017 sur amazon.fr)
Quel extrait. Vite la suite du prêche mon Père!
RépondreSupprimerAttention Antoinette, il a la prêche mortelle ;-)
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