Quel parcours depuis l’Irlande !
Hier soir, le Premier
ministre a confirmé ma nomination. Je suis le deuxième écossais à occuper ce
bureau.
J’aime la vue depuis
cette fenêtre. Elle donne sur la nuit toujours brumeuse du cœur de Londres. Des
lampadaires aux formes hors du temps y brillent tels des phares qui guident la
barque de notre destinée.
La table en acajou et cuir burgundy vert de mon prédécesseur est restée là.
Ces années ne prêtent guère aux dépenses inutiles. J’ai posé dessus un cadre au
centre duquel est fixée une disquette informatique, unique souvenir de mon
passé. À présent, seul l’avenir m’intéresse.
Des ennemis nous guettent de toute part. La Russie n’a pas disparu. Le
dragon chinois déploie ses ailes. Les États-Unis nous abandonnent un peu plus
chaque jour. Quant à l’Europe, notre politique y a réduit considérablement notre
influence et nos soutiens.
Entrer dans ce bureau
signifie se rapprocher aussi de la sortie, je ne l’oublie pas, j’espère
simplement perpétuer la tradition de grandeur de mes prédécesseurs.
La tâche ne va pas être
aisée, car les finances du service ont subi des coupes plus sombres encore qu’un
loch des Lowlands. Pour nos gouvernants, le MI6 et à fortiori son budget n’ont plus de raisons
d’être. À leurs yeux, seuls comptent les gigantesques antennes qui écoutent en
permanence les frémissements de la planète, les ordinateurs géants qui traitent
des millions de données chaque jour et les logiciels qui décident dans leur
obscurité binaire de « notre » futur. L’homme n’a plus sa place dans
leur vision du monde du renseignement. OO7 est mort, l’informatique l’a
remplacé.
Gardien du temple, je resterai aux aguets et maintiendrai cette maison
opérationnelle, dussè-je pour cela organiser des visites payantes de ce
bâtiment, voire en louer des espaces pour des évènements festifs. Créer un nouveau lieu à la mode pour des défilés haute couture, mes agents en seraient
ravis, mais qu’en penserait Sir Smith-Cumming, le premier
« C » ?
Un jour prochain, ces adeptes d’une politique à quatre sous prendront leurs
erreurs en pleine face et ce jour-là ils se montreront fort heureux quand le MI6
leur sauvera la mise.
Debout dans la lumière de l’aube, je me verse un verre de cet admirable whisky
que mon prédécesseur a eu l’élégance de laisser avant de partir.
Dans mes yeux, un jour nouveau se lève.
A
suivre... mercredi prochain
Si cette
nouvelle vous a plu, n'hésitez pas à retrouver mon univers dans "BONS BAISERS DE DUBAÏ" suivi de "BONS BAISERS DE JAKARTA" 600
pages de suspense : De nos jours, la course folle de deux agents de Sa Majesté
pour éviter un conflit majeur. Action, dépaysement et humour garantis. Existent en version électronique ou papier.
Yesss... La nostalgie des espions sur la pente déclinante. Me fait penser un peu à John Lecarré... Ou au bureau de M. avec ses aspidistras (cf Bons Baisers de Russie...).
RépondreSupprimerLa pente, la pente... mais n'oublions jamais que Angus Young will return !
SupprimerMerci Sylvain