11h33. Hennissement déchaîné d’un avion se propulsant au-dessus de la plage !
Le fracas, violent comme un verre qui explose sur le sol, m'arrache à mon sommeil. Fait chier, je savais bien que je n’aurais pas dû accepter cette location. Mais à quoi bon revenir la dessus. Plus près de Porto-Vecchio ce n’était plus dans mes moyens et dans un village de montagne il y aurait eu péril en la conduite à chaque fin de journée, ou plutôt à chaque lever de soleil vu ma situation actuelle. Videur dans un night-club, voilà ce que je suis désormais, un job où les nuits ne sont pas de tout repos, même pour un ancien flic de la BRI. Un job, façon de parler, le prix à payer pour rester au pays.
Ma tête bourdonne, mais rien à voir avec le cri du chasseur, ou presque. Hier soir, j’ai arbitré un début de rixe entre pilotes et touristes. Dire qu’ils viennent du même pays et qu’ils attendent d’être ici pour se mettre sur la gueule. Un round de moins de trois minutes. Une rafale de crochets façon libecciu et je les ai expulsés du ring bien avant la cloche... et virés de la boîte par la même occasion. Peut-être, n’aurais-je pas dû ensuite m’enfiler leurs bouteilles ? Mais j’ai toujours eu horreur de jeter et un faible pour les alcools blancs.
Le doux grésillement d’un aspirine dans un verre d’eau calme mes tympans après le hurlement du Mig 35. Satanés russkoffs, ils ont gagné l’appel d’offres sur la location de la base aérienne en mettant sur la table, et sous à coup sûr, dix fois plus que l’OTAN. Depuis entre milliardaires sibériens, cul-terreux ex-kolkhoziens et militaires blanc-bleu-rouge, on se croirait rattaché à la Fédération de Russie. Le nouveau pays ami !
Cette après-midi, j’irai prendre un selfie devant la stèle du naufrage de la Sémillante, puis direct sur Instagram. Le reste de ribellu qui demeure en moi aura fait preuve d'un cinglant esprit de résistance. Enfin, si quelqu'un comprend... La Sémillante convoyait des troupes en Crimée pour combattre l’empire des Romanov, avant de se fracasser sur les îles Lavezzi. Mon arrière grand-oncle en fut. Pauvre Jean Vitus, aujourd’hui ses ennemis foulent sa terre ancestrale. Pire, ils en usent comme base avancée pour menacer le coeur de l'Europe, et moi, tous les soirs, je veille sur leur tranquillité pendant qu’ils dépensent leur putain d'argent sale.
L’indépendance possède parfois un goût amer.
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